18ème nuit : quand le chemins de deux âmes perdues se croise... (Mauvaise herbe, Lezard noir)

 

Dessins / Scénario : SHINZO Keigo
Nombre de tome VF (VO) : 4 terminé (idem)
Éditeur VF : Lézard noir

  

Pour cette 18ème nuit, on suit le chemin d'un inspecteur et d'une jeune fugueuse avec Mauvaise Herbe.

 

Le pitch ?

Depuis que sa fille est décédée, l'inspecteur Yamada n'a plus goût à rien. Chaque jour passe comme le suivant, sans que rien ne parvienne à l'animer réellement.

Ce jour-là, alors qu'il fait une descente dans une maison close maquillée en salon de massage, il va être troublé par la ressemblance entre une des jeunes filles présente, Shiori, et sa propre fille.

A peine est elle raccompagnée chez elle qu'elle fugue de nouveau pour fuir les coups de sa mère...

Bien que sa morale lui interdise de s'impliquer d'avantage, l'inspecteur décide malgré tout de partir à sa recherche...

Quand les chemins de deux âmes perdues se croisent...

L'une fuit les coups d'une mère abusive, l'autre n'attend plus rien de la vie depuis qu'il a perdu sa fille. 

Pour notre inspecteur, Shiori aurait pu (et aurait dû) être une adolescente parmi tant d'autres qu'il aurait croisé à la brigade des mœurs. Mais voilà, elle ressemble étrangement à sa fille et pour cette simple raison, il ne parvient pas à la chasser de son esprit.

Pourtant, il va essayer. Mais à chaque tentative, leurs chemins vont de nouveau se croiser alors que Shiori cherche une échappatoire à ses propres problèmes.

On suit ainsi nos deux personnages dans leurs voyages où leurs chemins semblent définitivement liés et le temps qui s'était jusqu'ici figé commence à reprendre son cours...

On découvre ainsi le portrait de deux personnages que tout oppose avec pour seul point commun la solitude.

Parce que Shiori n'a nulle part où aller et personne sur qui compter, elle passe d'un homme à l'autre acceptant de payer en nature pour un toit. Ses rencontres sont bien souvent particulières pour ne pas dire néfastes, mais comment lui reprocher ses choix quand il s'agit finalement de survivre jusqu'au lendemain.

Son regard, la plupart du temps éteint ou effrayé tranche parfois avec ses rares sourires ou plaisirs qu'elle parvient quand même à trouver. L'auteur a d'ailleurs un talent certains dans sa mise en page pour offrir à chaque fois un instant très marquant alors que notre regard croise celui de Shiori.

Il devient alors très difficile de garder une vraie distance émotionnelle dans sa lecture tant elle nous touche au cœur.

En miroir, le portrait de l'inspecteur Yamada est très similaire. Alors qu'il est amorphe la plupart du temps, on le voit s'animer à chaque fois qu'il est question de Shiori. Cet intérêt le pousse d'ailleurs énormément à se remettre en cause et à avancer autant qu'à reculer.

Partagé entre son désir de la sauver sans pour autant franchir la ligne que lui impose son métier, on sent toute sa détresse se tisser au fil des pages. Là encore, même si cela est plus discret on partage son point de vue, on s'inquiète pour Shiori avec lui... Mais aussi énormément pour lui dont la vie se trouve dans une parenthèse douloureuse depuis bien trop longtemps.

 

Etes-vous prêt.e.s à découvrir l'envers du décors ?

Non content de dresser deux portraits très réussis, l'auteur va aussi profiter de son manga pour dépeindre la société dans laquelle ils évoluent.

On commence ainsi l'histoire dans un salon de massage qui s'avère être une maison close. Toutes les jeunes filles qui y travaillent sont mineures et officiellement les services sexuels y sont interdits... 

Pourtant, il s'agit bien d'une maison close qui emploie des mineures.

Par une mise en page astucieuse et un jeu de contrastes particulièrement maitrisé, l'auteur s'amuse ainsi à mettre en miroir les contradictions de la société dans laquelle Shiori et Yamada vivent.

Parfois, ces contrastes servent à mettre en avant le décalage entre ce qui est dit et ce qui se passe réellement. On observe par exemple, sur une même page, l'affiche du salon qui indique explicitement que les services sexuels sont interdits tandis que la lycéenne placée volontairement juste à côté par l'auteur explique comment obtenir des "extras". 

D'autre fois, ils servent à créer un décalage entre l'insouciance de l'adolescence et la vie de Shiori. Je pense notamment au moment où Shiori recherche, via twitter, un endroit où dormir pour le soir alors qu'à côté d'elle trois lycéennes parlent de sujets bien plus léger, comme où manger ou encore du poids qu'elles vont prendre à manger autant de pizza.

L'auteur dépeint ainsi la société telle qu'elle est, sans far ou faux semblants mais aussi sans entrer dans une caricature où tout serait diabolisé. Les choses sont ce qu'elles sont et rien ni personne n'est parfait.

Le portrait qu'il en dresse est du coup juste et très parlant.

Mauvaise herbe était dans ma liste d'envie depuis un moment et, une fois de plus, c'est un achat que je ne regrette absolument pas.

L'histoire, la narration, les personnages... Tout est extrêmement juste et très bien construit.

Je n'avais, pour ainsi dire, pas été marquée par une lecture depuis bien longtemps.

J'ai donc lu et relu ce premier volume, eu peur à chaque fois pour Shiori et je m'interroge à présent sur le chemin que Yamada et elle vont emprunter.

Il me tarde de pouvoir lire les volumes suivants pour connaitre le dénouement de ce très beau manga !